Faucheuse conditionneuse

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2000

Texte d’accompagnement de Faucheuse-conditionneuse par le commissaire Paul Lussier en 2001 :

[…] La proposition de l’artiste montréalaise Sofie Fékété prend justement tout son sens dans son caractère installatif et ce serait là sa singularité prédominante.

Par son occupation de l’espace, le tableau, lors de son instauration et de sa réalisation, était devenu rien de moins que l’atelier. Peignant au mur, le mur et le plancher, le sol et même les modèles recrutés pour la cause, ont eu à se coucher sur la toile pour le temps de la pause alors que l’artiste était animée d’une poïétique féconde et énergique.

Ainsi la théâtralité de la proposition par ses qualités de présentation et celle de son architecture, offre plusieurs plans comme s’il s’agissait d’un théâtre à l’italienne : sol, mur, ouverture saturent le champ visuel du spectateur dans une sorte de sanctuaire polychrome. L’un des enjeux de ce tableau se joue d’abord au sol. Deux figures entretiennent une conversation bucolique alors qu’elles ignorent, comme des amoureux les mondes extérieurs. C’est la conversation silencieuse du cœur.

Non loin. Faucheuse conditionneuse, c’est aussi le titre du tableau. Ce char d’assaut de l’automne prend aujourd’hui un sens plus que guerrier qu’il ne l’aurait été prévu, car c’est bien un char rougi du sang de la terre. Dans sa mire, un tracteur attaché. Naïve chose à peine esquissée sortant de la grisaille d’un monde tiers. Comme des cariatides, deux autres personnages se partagent le côté cour et jardin de l’œuvre. Ils cherchent à toucher l’autre d’une parole, d’un geste, à la croisée du regard vis-à-vis, dans l’urgence trouble de la fin.

Dans le ciel mythique et bleu, de surcroît, se réfléchissent les terriens ou est-ce l’inverse ? De narcissiques regards se cherchent dans l’immatérialité du bleu. On comprend dès lors l’ouverture vers des mondes comme ceux de Vénus et de Vulcain, ces mondes bleus comme ceux des profondeurs et des paysages lointains.

Ailleurs, au bord de ce sanctuaire, le paysage s’ouvre, et par la fente, on aperçoit un monde meilleur, un lieu promis. Celui d’un couple enlacé, baignant dans une saturation lumineuse et franche, lumière automnale qui tranche et découpe le paysage de son bras de feu. Étreintes torrides et dernières chaleurs. Ne l’oublions pas, les intentions de Sofie Fékété cherchaient à faire « accroître les stimulations du spectateur ».